Habitué depuis mon enfance à sentir la mer dès mon réveil et à l’apercevoir pratiquement à chaque coin de rue, j’ai compris en découvrant la capitale ce que Albert Camus voulait exprimer en décrivant Oran comme “une ville qui tourne le dos à la mer “. A Rabat, pour trouver la mer, il faut en effet se donner la peine de la chercher ! Pour cela, il faut prendre la route côtière et regarder sur la droite. Après le phare rénové, vous admirerez des fortins, vestige de l’occupation française, dont certain a abrité de tragiques événements de 1971. Un peu plus loin, vous aurez l’occasion de regretter que, depuis quelques semaines, le béton envahisse le bord de mer sous l’irrésistible avancée des dollars émiratis. Sur les rochers qui surplombent l’océan, vous vous étonnerez du nombre de pêcheurs installés pendant des heures face à la mer, dans l’hypothétique espoir d’appâter tout au plus quelque malheureux mulet. Vous jetterez un coup d’œil sur l’espace Kacimi, beau projet laissé en chantier pour d’obscures raisons. Un projet qui aurait pu donner une vie à ce si bel endroit ! Vous vous arrêterez à la corniche de Harhoura et vous partagerez, je l’espère, les mêmes sensations que celles que j’ai eu l’occasion d’exprimer sur ce lieu. Puis vous continuerez sur quelques kilomètres pour découvrir une autre corniche, celle de Témara. Témara ! Image Hosted by ImageShack.us La plage – culte de Rabat ! Mais depuis quelques années, délaissée, par effet de mode ! Sa belle corniche dépérit et ce ne sont pas les quelques jeunes, la bouche vissée à leurs « chichas » empestant l’air de relents de pommes ou de je ne sais quel arôme oriental, qui donneront un nouvel élan à cet endroit ou qui encourageront les promeneurs à venir s’y dégourdir les jambes ! Dommage, mille fois dommage ! Vous vous engagerez entre les villas cossues ayant appartenu à d’anciens pontes du système « Basri » et se jouir de la vue sur la plage des Contrebandiers ! Vous pouvez y piquer un plongeon sans danger et même montrer vos talents de nageurs si le cœur vous en dit ! Ensuite, vous continuerez à rouler un peu, sans accorder un regard aux plages des Sables d’Or et de Sidi Abed que la folie mégalomane de l’ancien ministre Driss Basri a amputé de près de la moitié dans l’espoir absolument chimérique de doter d’un port de plaisance une ville qui « tourne le dos à mer ». Cette folie bétonnière a défiguré le beau site du Val d’or, rendu méconnaissable, derrière un barrage de villas hideuses ! Juste après, commence le domaine des seules plages naturelles de la région. Les plages que le béton n’a pas encore envahi, défiguré, enlaidi, prostitué même ! Le Petit Val d’Or, vague réplique de la mythique plage de Oulidia, sans les parcs à huîtres mais avec un café – restaurant qui domine la mer. Vous prendrez d’excellentes brochettes en admirant les rochers, le sable et la mer, la mer toujours présente! La mer qui vient mourir en petites lagunes où les enfants barbotent en toute quiétude ! Plus loin, après un virage et une descente sur le pont : une vue magnifique. La plage de l’Oued Iquem. La mer, encore plus présente, belle, immense. Du sable, des rochers discrètement posés par Dame Nature comme pour mettre en relief la mer. Pas une construction, pas un chalet, juste la plage, les rochers, la mer…N’espérez nager ici, la mer est dangereuse, très dangereuse ! Même l’oued Iquem semble ne pas vouloir ou ne pas oser la défier. Cette petite rivière vient en effet timidement mourir à quelques mètres du rivage, sans l’atteindre : phénomène bien curieux ! Le dimanche par temps venteux, vous aurez la chance, en fin d’après-midi, d’admirer des dizaines de cerfs-volants ! Quelques uns immenses, impressionnants, manipulés par des messieurs très sérieux, luttant contre le vent mais heureux de montrer leur savoir-faire à leur progéniture ! D’autres plus discrets, mais tout aussi fous, qui font la joie de petits bambins qui du bout de leur ficelle se croient devenir oiseaux ! Image Hosted by ImageShack.us Essayez de ne pas rater un autre spectacle sur cette immense plage : le passage d’un groupe d’élèves du Centre Equestre situé de l’autre côté de la route. Que ce soit des petits enfants fièrement installés sur leurs poneys, des nouveaux qui enfourchent pour la première fois des juments très dociles ou d’intrépides cavaliers filant au galop le long des vagues, l’image est toujours belle et rassurante ! Encore un petit effort, deux ou trois kilomètres et vous arrivez à Rose-Marie. Rose-Marie, avec son petit complexe hôtelier, son dancing, son restaurant de poissons et fruit de mer avec sa verrière et sa vue imprenable sur la plage, et bien sûr sa plage ! Naturelle, ici pas de corniche ! Le sable, les rochers, les enfants qui ramassent les coquillages. La mer, la vraie ! Vous pourrez pousser jusqu’à Sékhirat….Mais je n’en parlerai pas aujourd’hui. Sékhirat est un lieu unique, qui possède un passé, une histoire, une âme, qui vit un présent inattendu et aspire à un avenir florissant. Sékhirat mérite que l’on s’y attarde longuement ! Profitez de ces endroits quasi magiques durant ces semaines de printemps ! En été, ils seront envahis par une foule, venue à pied, en vélo, en moto, en taxi, en bus, en voiture. Et vous ne pourrez plus voir ni corniche, ni sable, ni rochers. Juste la mer, parce la mer est éternelle ! Maintenant, faites demi-tour et revenez vers Rabat ! Et vous aurez l’impression que – comme partout fans Rabat – la mer n’existe plus. Vous verrez le long de la route, élargie, éclairée, striée de lignes continues ou discontinues, entrecoupée de dos d’ânes ahurissants et de ronds-points vertigineux sensés réguler la circulation, ce que la frénésie immobilière peut provoquer comme dégâts. Pourtant certains nouveaux immeubles sont presque beaux, certains cafés sont très agréables et la vie dans cette partie de la ville a totalement changé, depuis deux années, sans que pour autant Rabat se décide enfin à regarder vers la mer.